The Project Gutenberg EBook of Le Lutrin, by Boileau [Nicolas Boileau-Despreaux] #1 in our series by Boileau [Nicolas Boileau-Despreaux] Copyright laws are changing all over the world. Be sure to check the copyright laws for your country before downloading or redistributing this or any other Project Gutenberg eBook. This header should be the first thing seen when viewing this Project Gutenberg file. Please do not remove it. Do not change or edit the header without written permission. Please read the "legal small print," and other information about the eBook and Project Gutenberg at the bottom of this file. Included is important information about your specific rights and restrictions in how the file may be used. You can also find out about how to make a donation to Project Gutenberg, and how to get involved. **Welcome To The World of Free Plain Vanilla Electronic Texts** **eBooks Readable By Both Humans and By Computers, Since 1971** *****These eBooks Were Prepared By Thousands of Volunteers!***** Title: Le Lutrin Author: Boileau [Nicolas Boileau-Despreaux] Release Date: May, 2004 [EBook #5158] [Yes, we are more than one year ahead of schedule] [This file was first posted on May 16, 2002] Edition: 10 Language: French Character set encoding: ASCII *** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK, LE LUTRIN *** This eBook was produced by Christian SCHERER , and prepared for PG by Laurent Le Guillou . Title: Le Lutrin Language: French Encoding: ISO-8859-1 Source: Nicolas Boileau-Despreaux (1636-1711), "Oeuvres Completes de Boileau-Despreaux, Nouvelle edition, Accompagnee de notes pour l'intelligence du texte, et precedee d'une notice historique sur la vie et les ecrits de l'auteur, Avec gravures" Paris, B. Renault et Cie, Libraires-Editeurs, 8, rue Larrey, 1858. [Text encoding is iso-8859-1.] LE LUTRIN Poeme heroi-comique CHANT PREMIER Je chante les combats, et ce prelat terrible Qui par ses longs travaux et sa force invincible, Dans une illustre eglise exercant son grand coeur, Fit placer a la fin un lutrin dans le choeur. C'est en vain que le chantre, abusant d'un faux titre, Deux fois l'en fit oter par les mains du chapitre : Ce prelat, sur le banc de son rival altier Deux fois le reportant, l'en couvrit tout entier. Muse redis-mois donc quelle ardeur de vengeance De ces hommes sacres rompit l'intelligence, Et troubla si longtemps deux celebres rivaux. Tant de fiel entre-t-il dans l'ame des devots ! Et toi, fameux heros, dont la sage entremise De ce schisme naissant debarrassa l'Eglise, Viens d'un regard heureux animer mon projet, Et garde-toi de rire en ce grave sujet. Paris voyait fleurir son antique chapelle : Ses chanoines vermeils et brillants de sante S'engraissaient d'une longue et sainte oisivete ; Sans sortir de leurs lits plus doux que des hermines, Ces pieux faineants faisaient chanter matines, Veillaient a bien diner, et laissaient en leur lieu A des chantres gages le soin de louer Dieu : Quand la Discorde, encore toute noire de crimes, Sortant des Cordeliers pour aller aux Minimes, Avec cet air hideux qui fait fremir la Paix, S'arreter pres d'un arbre au pied de son palais, La, d'un oeil attentif contemplant son empire, A l'aspect du tumulte elle-meme s'admire. Elle y voit par le coche et d'Evreux et du Mans Accourir a grand flots ses fideles Normands : Elle y voit aborder le marquis, la comtesse, Le bourgeois, le manant, le clerge, la noblesse ; Et partout des plaideurs les escadrons epars Faire autour de Themis flotter ses etendards. Mais une eglise seule a ses yeux immobile Garde au sein du tumulte une assiette tranquille. Elle seule la brave ; elle seule aux proces De ses paisibles murs veut defendre l'acces. La Discorde, a l'aspect d'un calme qui l'offense, Fait siffler ses serpents, s'excite a la vengeance Sa bouche se remplit d'un poison odieux, Et de longs traits de feu lui sortent par les yeux. Quoi ! dit-elle d'un ton qui fit trembler les vitres, J'aurai pu jusqu'ici brouiller tous les chapitres, Diviser Cordeliers, Carmes et Celestins ; J'aurai fait soutenir un siege aux Augustins : Et cette eglise seule, a mes ordres rebelle, Nourrira dans son sein une paix eternelle ! Suis-je donc la Discorde ? et, parmi les mortels, Qui voudra desormais encenser mes autels ? A ces mots, d'un bonnet couvrant sa tete enorme, Elle prend d'un vieux chantre et la taille et la forme : Elle peint de bourgeons son visage guerrier, Et s'en va de ce pas trouver le tresorier. Dans le reduit obscur d'une alcove enfoncee S'eleve un lit de plume a grand frais amassee : Quatre rideaux pompeux, par un double contour, En defendent l'entree a la clarte du jour. La, parmi les douceurs d'un tranquille silence, Regne sur le duvet une heureuse indolence : C'est que le prelat, muni d'un dejeuner, Dormant d'un leger somme, attendait le diner. La jeunesse en sa fleur brille sur son visage : Son menton sur son sein descend a double etage ; Et son corps ramasse dans sa courte grosseur Fait gemir les coussins sous sa molle epaisseur. La deesse en entrant, qui voit la nappe mise, Admire un si bel ordre, et reconnait l'Eglise : Et, marchant a grand pas vers le lieu du repos, Au prelat sommeillant elle adresse ces mots : Tu dors, Prelat, tu dors, et la haut a ta place Le chantre aux yeux du choeur etale son audace, Chante les oremus, fait des processions, Et repand a grands flots les benedictions. Tu dors ! Attends-tu donc que, sans bulle et sans titre, Il te ravisse encore le rochet et la mitre ? Sort de ce lit oiseux qui te tient attache, Et renonce au repos, ou bien a l'eveche. Elle dit, et, du vent de sa bouche profane, Lui souffle avec ces mots l'ardeur de la chicane. Le prelat se reveille, et, plein d'emotion, Lui donne toutefois la benediction. Tel qu'on voit un taureau qu'une guepe en furie A pique dans les flancs aux depens de sa vie ; Le superbe animal, agite de tourments, Exhale sa douleur en longs mugissements ; Tel le fougueux prelat, que ce songe epouvante, Querelle en se levant et laquais et servante ; Et, d'un juste courroux rallumant sa vigueur, Meme avant le diner, parle d'aller au choeur. Le prudent Gilotin, son aumonier fidele, En vain par ses conseils sagement le rappelle ; Lui montre le peril ; que midi va sonner ; Qu'il va faire, s'il sort, refroidir le diner. Quelle fureur, dit-il, quel aveugle caprice, Quand le diner est pret, vous appelle a l'office ? De votre dignite soutenez mieux l'eclat : Est-ce pour travailler que vous etes prelat ? A quoi bon ce degout et ce zele inutile ? Est-il donc pour jeuner quatre-temps ou vigile ? reprenez vos esprits et souvenez-vous bien Qu'un diner rechauffe ne valut jamais rien. Ainsi dit Gilotin ; et ce ministre sage Sur table, au meme instant, fit servir le potage. Le prelat voit la soupe, et plein d'un saint respect, Demeure quelque temps muet a cet aspect. Il cede, dine enfin : mais, toujours plus farouche, Les morceaux trop hates se pressent dans sa bouche. Gilotin en fremit, et, sortant de fureur, Chez tous ses partisans va semer la terreur. On voit courir chez lui leurs troupes eperdues, Comme l'on voit marcher les bataillons de grues Quand le Pygmee altier, redoublant ses efforts, De l'Hebre ou du Styrmon vient d'occuper les bords. A l'aspect imprevu de leur foule agreable, Le prelat radouci veut se lever de table : La couleur lui renait, sa voix change de ton ; Il fait par Gilotin rapporter un jambon. Lui-meme le premier pour honorer la troupe, D'un vin pur et vermeil il fait remplir sa coupe ; Il l'avale d'un trait : et chacun l'imitant, La cruche au large ventre est vide en un instant. Sitot que du nectar la troupe est abreuvee, On dessert : et soudain, la nappe etant levee, Le prelat, d'une voix conforme a son malheur, Leur confie en ces mots sa trop juste douleur : Illustres compagnons de mes longues fatigues, Qui m'avez soutenu par vos pieuses ligues, Et par qui, maitre enfin d'un chapitre insense, Seul a Magnificat je me vois encense ; Souffrirez-vous toujours qu'un orgueilleux m'outrage ; Que le chantre a vos yeux detruise votre ouvrage, Usurpe tous mes droits, et s'egalant a moi, Donne a votre lutrin et le ton et la loi ? Ce matin meme encore, ce n'est point un mensonge, Une divinite me l'a fait voir en songe : L'insolent s'emparant du fruit de mes travaux, A prononce pour moi le Benedicat vos ! Oui, pour mieux m'egorger, il prend mes propres armes. Le prelat a ces mots verse un torrent de larmes. Il veut, mais vainement, poursuivre son discours ; Ses sanglots redoubles en arretent le cours. Le zele Gilotin, qui prend part a sa gloire, Pour lui rendre la voix, fait rapporter a boire : Quand Sidrae, a qui l'age allonge le chemin, Arrive dans la chambre, un baton a la main, Ce vieillard dans le choeur a deja vu quatre ages ; Il sait de tous les temps les differents usages : Et son rare savoir, de simple marguillier, L'eleva par degres au rang de chevecier. A l'aspect du prelat qui tombe en defaillance, Il devine son mal, il se ride, il s'avance ; Et d'un ton paternel reprimant ses douleurs : Laisse au chantre, dit-il, la tristesse et les pleurs, Prelat ; et pour sauver tes droits et ton empire, Ecoute seulement ce que le ciel m'inspire. Vers cet endroit du choeur ou le chantre orgueilleux Montre, assis a ta gauche, un front si sourcilleux, Sur ce rang d'ais serres qui forment sa cloture Fut jadis un lutrin d'inegale structure, Dont les flancs elargis de leur vaste contour Ombrageaient pleinement tous les lieux d'alentour. Derriere ce lutrin, ainsi qu'au fond d'un antre, A peine sur son banc on discernait le chantre : Tandis qu'a l'autre banc le prelat radieux, Decouvert au grand jour, attirait tous les yeux. Mais un demon, fatal a cette ample machine, Soit qu'une main la nuit eut hate sa ruine, Soit qu'ainsi de tout temps l'ordonnat le destin, Fit tomber a nos yeux le pupitre un matin. J'eus beau prendre le ciel et le chantre a partie, Il fallut l'emporter dans notre sacristie, Ou depuis trente hivers, sans gloire enseveli, Il languit tout poudreux dans un honteux oubli. Entends-moi donc, Prelat. Des que l'ombre tranquille Viendra d'un crepe noir envelopper la ville, Il faut que trois de nous, sans tumulte et sans bruit, Partent, a l a faveur de la naissante nuit, Et du lutrin rompu reunissant la masse, Aillent d'un zele adroit le remettre en sa place. Si le chantre demain ose le renverser, Alors de cent arrets tu peux le terrasser. Pour soutenir tes droits, que le ciel autorise, Abyme tout plutot : c'est l'esprit de l'Eglise ; C'est par la qu'un prelat signale sa vigueur. Ne borne pas ta gloire a prier dans un choeur : Ces vertus dans Aleth peuvent etre en usage ; Mais dans Paris, plaidons ; c'est la notre partage. Tes benedictions, dans le trouble croissant, Tu pourras les repandre et par vingt et par cent ; Et, pour braver le chantre en son orgueil extreme, Les repandre a ses yeux, et le benir lui-meme. Ce discours aussitot frappe tous les esprits ; Et le prelat charme l'approuve par des cris. Il veut que, sur-le-champ, dans la troupe on choisisse Les trois que Dieu destine a ce pieux office : Mais chacun pretend part a cet illustre emploi. Le sort, dit le prelat, vous servira de loi. Que l'on tire au billet ceux que l'on doit elire. Il dit, on obeit, on se presse d'ecrire. Aussitot trente noms, sur le papier traces, Sont au fond d'un bonnet par billets entasses. Pour tirer ces billets avec moins d'artifice, Guillaume, enfant de choeur, prete sa main novice : Son front nouveau tondu, symbole de candeur, Rougit, en approchant, d'une honnete pudeur. Cependant le prelat, l'oeil au ciel, la main nue, Benit trois fois les noms, et trois fois les remue. Il tourne le bonnet : l'enfant tire et Brontin Est le premier des noms qu'apporte le destin. Le prelat en concoit un favorable augure Et ce nom dans la troupe excite un doux murmure. On se tait ; et bientot on voit paraitre au jour Le nom, le fameux nom du perruquier l'Amour. Ce nouvel Adonis, a la blonde criniere, Est l'unique souci d'Anne sa perruquiere : Ils s'adorent l'un l'autre ; et ce couple charmant S'unit longtemps, dit-on, avant le sacrement ; Mais, depuis trois moissons, a leur saint assemblage L'official a joint le nom de mariage. Ce perruquier superbe est l'effroi du quartier, Et son courage est peint sur son visage altier. Un des noms reste encore et le prelat par grace Une derniere fois les brouille et les ressasse. Chacun croit que son nom est le dernier des trois. Mais que ne dis-tu point, o puissant porte-croix, Boirude, sacristain, cher appui de ton maitre, Lorsqu'aux yeux du prelat tu vis ton nom paraitre ! On dit que ton front jaune, et ton teint sans couleur, perdit en ce moment son antique paleur ; Et que ton corps goutteux, plein d'une ardeur guerriere, Pour sauter au plancher fit deux pas en arriere. Chacun benit tout haut l'arbitre des humains, Qui remet leur bon droit en de si bonnes mains. Aussitot on se leve ; et l'assemblee en foule, Avec un bruit confus, par les portes s'ecoule. Le prelat reste seul calme un peu son depit, Et jusques au souper se couche et s'assoupit. CHANT SECOND Cependant cet oiseau qui prone les merveilles, Ce monstre compose de bouches et d'oreilles, Qui, sans cesse volant de climats en climats, Dit partout ce qu'il sait et ce qu'il ne sait pas ; La Renommee enfin, cette prompte courriere, Va d'un mortel effroi glacer la perruquiere ; Lui dit que son epoux, d'un faux zele conduit, Pour placer un lutrin doit veiller cette nuit. A ce triste recit, tremblante, desolee, Elle accourt, l'oeil en feu, la tete echevelee, Et trop sure d'un mal qu'on pense lui celer : Oses-tu bien encor, traitre, dissimuler ? Dit-elle : et ni la foi que ta main m'a donnee, Ni nos embrassements qu'a suivis l'hymenee, Ni ton epouse enfin toute prete a perir, Ne sauraient donc t'oter cette ardeur de courir ? Perfide ! si du moins, a ton devoir fidele, Tu veillais pour orner quelque tete nouvelle ! L'espoir d'un juste gain consolant ma langueur Pourrait de ton absence adoucir la longueur. Mais quel zele indiscret, quelle aveugle entreprise Arme aujourd'hui ton bras en faveur d'une eglise ? Ou vas-tu cher epoux, est-ce que tu me fuis ? As-tu oublie tant de si douces nuits ? Quoi ! d'un oeil sans pitie vois-tu couler mes larmes ? Au nom de nos baisers jadis si plein de charmes, Si mon coeur, de tout temps facile a tes desirs, N'a jamais d'un moment differe tes plaisirs ; Si pour te prodiguer mes plus tendres caresses, Je n'ai point exige ni serments, ni promesses ; Si toi seul a mon lit enfin eus toujours part ; Differe au moins d'un jour ce funeste depart . En achevant ces mots cette amante enflammee Sur un placet voisin tombe demi-pamee. Son epoux s'en emeut, et son coeur eperdu Entre deux passions demeure suspendu ; Mais enfin rappelant son audace premiere : Ma femme, lui dit-il d'une voix douce et fiere, Je ne veux point nier les solides bienfaits Dont ton amour prodigue a comble mes souhaits, Et le Rhin de ses flots ira grossir la Loire Avant que tes faveurs sortent de ma memoire ; Mais ne presume pas qu'en te donnant ma foi L'hymen m'ait pour jamais asservi sous ta loi. Si le ciel en mes mains eut mis ma destinee, Nous aurions fui tous deux le joug de l'hymenee ; Et, sans nous opposer ces devoirs pretendus, Nous gouterions encor des plaisirs defendus. Cesse donc a mes yeux d'etaler un vain titre : Ne m'ote pas l'honneur d'elever un pupitre, Et toi-meme, donnant un frein a tes desirs, Raffermis la vertu qu'ebranlent tes soupirs. Que te dirai-je enfin ? C'est le ciel qui m'appelle, Une eglise, un prelat m'engage en sa querelle, Il faut partir : j'y cours. Dissipe tes douleurs , Et ne me trouble plus par ces indignes pleurs. Il la quitte a ces mots. Son amante effaree Demeure le teint pale, et la vue egaree : La force l'abandonne ; et sa bouche, trois fois Voulant le rappeler, ne trouve plus de voix. Elle fuit, et de pleurs inondant son visage, Seule pour s'enfermer vole au cinquieme etage. Mais d'un bouge prochain accourant a ce bruit, Sa servante Alizon la rattrape et la suit. Les ombres cependant, sur la ville epandues, Du faite des maisons descendent dans les rues . Le souper hors du coeur chasse les chapelains, Et de chantres buvant les cabarets sont pleins. Le redoute Brontin, que son devoir eveille, Sort a l'instant, charge d'une triple bouteille, D'un vin dont Gilotin, qui savait tout prevoir, Au sortir du conseil eut soin de le pourvoir. L'odeur d'un jus si doux lui rend la faim moins rude. Il est bientot suivi du sacristain Boirude ; Et tous deux, de ce pas, s'en vont avec chaleur Du trop lent perruquier reveiller la valeur. Partons, lui dit Brontin : deja le jour plus sombre, Dans les eaux s'eteignant, va faire place a l'ombre. D'ou vient ce noir chagrin que je lis dans tes yeux ? Quoi ? le pardon sonnant te retrouve en ces lieux ! Ou donc est ce grand coeur dont tantot l'allegresse Semblait du jour trop long accuser la paresse ? Marche, et suis nous du moins ou l'honneur nous attend. Le perruquier honteux rougit en l'ecoutant. Aussitot de longs clous il prend une poignee : Sur son epaule il charge une lourde cognee ; Et derriere son dos, qui tremble sous le poids, Il attache une scie en forme de carquois : Il sort au meme instant, il se met a leur tete. A suivre ce grand chef l'un et l'autre s'apprete : Leur coeur semble allume d'un zele tout nouveau ; Brontin tient un maillet ; et Boirude un marteau. La lune, qui du ciel voit leur demarche altiere, Retire en leur faveur sa paisible lumiere. La Discorde en sourit, et, les suivant des yeux, De joie, en les voyant, pousse un cri dans les cieux. L'air, qui gemit du cri de l'horrible deesse, Va jusque dans Citeaux reveiller la Mollesse. C'est la qu'en un dortoir elle fait son sejour : Les Plaisirs nonchalants folatrent a l'entour ; L'un petrit dans un coin l'embonpoint des chanoines ; L'autre broie en riant le vermillon des moines : La Volupte la sert avec des yeux devots, Et toujours le Sommeil lui verse des pavots. Ce soir, plus que jamais, en vain il les redouble. La Mollesse a ce bruit se reveille, se trouble : Quand la Nuit, qui deja va tout envelopper, D'un funeste recit vient encor la frapper ; Lui conte du prelat l'entreprise nouvelle : Aux pieds des murs sacres d'une sainte chapelle, Elle a vu trois guerriers, ennemis de la paix, Marcher a la faveur de ses voiles epais. La Discorde en ces lieux menace de s'accroitre : Demain avec l'aurore un lutrin va paraitre, Qui doit y soulever un peuple de mutins : Ainsi le ciel l'ecrit au livre des destins. A ce triste discours, qu'un long soupir acheve, La Mollesse, en pleurant, sur un bras se releve, Ouvre un oeil languissant, et, d'un faible voix, Laisse tomber ces mots qu'elle interrompt vingt fois : O Nuit ! que m'as-tu dit ? quel demon sur la terre Souffle dans tous les coeurs la fatigue et la guerre ? Helas ! qu'est devenu ce temps, cet heureux temps, Ou les rois s'honoraient du nom de faineants, S'endormaient sur le trone, et me servant sans honte Laissaient leur sceptre aux mains d'un maire ou d'un comte ! Aucun soin n'approchait de leur paisible cour : On reposait la nuit, on dormait tout le jour. Seulement au printemps, quand Flore dans les plaines Faisait taire des vents les bruyantes haleines, Quatre boeufs atteles, d'un pas tranquille et lent, Promenaient dans Paris le monarque indolent. Ce doux siecle n'est plus. Le ciel impitoyable A place sur le trone un prince infatigable. Il brave mes douceurs, il est sourd a ma voix : Tous les jours il m'eveille du bruit de ses exploits. Rien ne peut arreter sa vigilante audace : L'ete n'a point de feux, l'hiver n'a point de glace. J'entends a son seul nom tous mes sujets fremir En vain deux fois la paix a voulu l'endormir ; Loin de moi son courage, entraine par la gloire, Ne se plait qu'a courir de victoire en victoire. Je me fatiguerais de te tracer le cours Des outrages cruels qu'il me fait tous les jours. Je croyais, loin des lieux ou ce prince m'exile, Que l'Eglise du moins m'assurait un asile. Mais qu'en vain j'esperais y regner sans effroi : Moines, abbes prieurs, tout s'arme contre moi. Par mon exil honteux la Trappe est ennoblie ; J'ai vu dans Saint Denys la reforme etablie ; La Carme, le Feuillant, s'endurcit aux travaux ; Et la regle deja se remet dans Clairvaux. Citeaux dormait encor, et la sainte Chapelle Conservait du vieux temps l'oisivete fidele : Et voici qu'un lutrin, pret a tout renverser, D'un sejour si cheri vient encor me chasser ! O toi, de mon repos, compagne aimable et sombre, A de si noirs forfaits preteras-tu ton ombre ? Ah ! Nuit, si tant de fois, dans les bras de l'amour, Je t'admis aux plaisirs que je cachais au jour, Du moins ne permets pas... La Mollesse oppressee Dans sa bouche a ce mot sent sa langue glacee ; Et, lasse de parler, succombant sous l'effort, Soupire, etend les bras, ferme l'oeil et s'endort. CHANT TROISIEME Mais la nuit aussitot de ses ailes affreuses Couvre des Bourguignons les campagnes vineuses, Revole vers Paris, et, hatant son retour, Deja de Mont-Lheri voit la fameuse tour. Ses murs, dont le sommet se derobe a la vue, Sur la cime d'un roc s'allongent dans la nue, Et presentant de loin leur objet ennuyeux, Du passant qui le fuit semblent le suivre des yeux. Mille oiseaux effrayants, mille corbeaux funebres, De ces murs desertes habitent les tenebres. La, depuis trente hivers, un hibou retire Trouvait contre le jour un refuge assure. Des desastres fameux ce messager fidele Sait toujours des malheurs la premiere nouvelle, Et, tout pret d'en semer le presage odieux, Il attendait la nuit dans ces sauvages lieux. Aux cris qu'a son abord vers le ciel il envoie, Il rend tous ses voisins attristes de sa joie. La plaintive Prognee de douleur en fremit ; Et, dans les bois prochains, Philomene en gemit. Suis-moi, lui dit la Nuit. L'oiseau plein d'allegresse Reconnait a ce ton la voix de sa maitresse. Il la suit : et tous deux, d'un cours precipite, De Paris a l'instant ils abordent la cite ; La, s'elancant d'un vol que le vent favorise, Ils montent au sommet de la fatale eglise. La Nuit baisse la vue, et, du haut du clocher, Observe les guerriers, les regarde marcher. Elle voit le barbier qui, d'une main legere, Tient un verre de vin qui rit dans la fougere ; Et chacun, tour a tour s'inondant de ce jus, Celebrer, en riant, Gilotin et Bacchus. Ils triomphent, dit-elle, et leur ame abusee Se promet dans mon ombre une victoire aisee : Mais allons ; il est temps qu'il connaissent la Nuit. A ces mots, regardant le hibou qui la suit, Elle perce les murs de la voute sacree ; Jusqu'a la sacristie elle s'ouvre une entree Et, dans le ventre creux du pupitre fatal, Va placer de ce pas le sinistre animal. Mais les trois champions, pleins de vin et d'audace, Du palais cependant passent la grande place ; Et, suivant de Bacchus les auspices sacres, De l'auguste chapelle ils montent les degres. Ils atteignaient deja le superbe portique Ou Ribou le libraire, au fond de sa boutique, Sous vingt fideles clefs, garde et tient en depot L'amas toujours entier des ecrits de Haynaut : Quand Boirude, qui voit que le peril approche, Les arrete, et, tirant un fusil de sa poche, Des veines d'un caillou, qu'il frappe au meme instant, Il fait jaillir un feu qui petille en sortant ; Et bientot, au brasier d'une meche enflammee, Montre, a l'aide du soufre, une cire allumee. Cet astre tremblotant, dont le jour les conduit, Est pour eux un soleil au milieu de la nuit. Le temple a sa faveur est ouvert par Boirude : Ils passent de la nef la vaste solitude, Et dans la sacristie entrant, non sans terreur, En percent jusqu'au fond la tenebreuse horreur. C'est la que du lutrin git la machine enorme : La troupe quelque temps en admire la forme. Mais le barbier, qui tient les moments precieux : Ce spectacle n'est pas pour amuser nos yeux, Dit-il : ce temps est cher, portons-le dans le temple : C'est la qu'il faut demain qu'un prelat le contemple. Et d'un bras, a ces mots, qui peut tout ebranler, Lui-meme, se courbant, s'apprete a le rouler. Mais a peine il y touche, o prodige incroyable ! Que du pupitre sort une voix effroyable. Brontin en est emu, le sacristain palit ; Le perruquier commence a regretter son lit. Dans son hardi projet toutefois il s'obstine ; Lorsque des flanc poudreux de la vaste machine L'oiseau sort en courroux, et, d'un cri menacant, Acheve d'etonner le barbier fremissant : De ses ailes dans l'air secouant la poussiere, Dans la main de Boirude il eteint la lumiere. Les guerriers a ce coup demeurent confondus ; Ils regagnent la nef, de frayeur eperdus : Sous leurs corps tremblotants leurs genoux s'affaiblissent, D'une subite horreur leurs cheveux se herissent ; Et bientot, au travers des ombres de la nuit, Le timide escadron se dissipe et s'enfuit. Ainsi lorsqu'en un coin, qui leur tient lieu d'asile, D'ecoliers libertins une troupe indocile, Loin des yeux d'un prefet au travail assidu Va tenir quelquefois un brelan defendu : Si du vaillant Argas la figure effrayante Dans l'ardeur du plaisir a leurs yeux se presente, Le jeu cesse a l'instant, l'asile est deserte, Et tout fuit a grand pas le tyran redoute. La Discorde, qui voit leur honteuse disgrace, Dans les airs, cependant tonne, eclate, menace, Et, malgre la frayeur dont leurs coeurs sont glaces, S'apprete a reunir ses soldats disperses. Aussitot de Sidrac elle emprunte l'image : Elle ride son front, allonge son visage, Sur un baton noueux laisse courber son corps, Dont la chicane semble animer les ressorts ; Prend un cierge en sa main, et d'une voix cassee, Vient ainsi gourmander la troupe terrassee. Laches, ou fuyez-vous ? quelle peur vous abat ? Aux cris du vil oiseau vous cedez sans combat ? Ou sont ces beaux discours jadis si pleins d'audace ? Craignez-vous d'un hibou l'impuissante grimace ? Que feriez-vous, helas, si quelque exploit nouveau Chaque jour, comme moi, vous trainait au barreau ; S'il fallait, sans amis, briguant une audience, D'un magistrat glace soutenir la presence, Ou, d'un nouveau proces, hardi solliciteur, Aborder sans argent un clerc de rapporteur ? Croyez-moi, mes enfants, je vous parle a bon titre : J'ai moi seul autrefois plaide tout un chapitre ; Et le barreau n'a point de monstres si hagards, Dont mon oeil n'ait cent fois soutenu les regards. Tous les jours sans trembler j'assiegeais leurs passages. L'Eglise etait alors fertile en grands courages : Le moindre d'entre nous, sans argent, sans appui, Eut plaide le prelat, et le chantre avec lui. Le monde, de qui l'age avance les ruines, Ne peut plus enfanter de ces ames divines : Mais que vos coeurs, du moins, imitant leurs vertus, De l'aspect d'un hibou ne soient pas abattus. Songez quel deshonneur va souiller votre gloire, Quand le chantre demain entendra sa victoire. Vous verrez tous les jours le chanoine insolent, Au seul mot de hibou, vous sourire en parlant. Votre ame, a ce penser, de colere murmure : Allez donc de ce pas en prevenir l'injure ; Meritez les lauriers qui vous sont reserves, Et ressouvenez-vous quel prelat vous servez. Mais deja la fureur dans vos yeux etincelle. Marchez, courez, volez ou l'honneur vous appelle. Que le prelat, surpris d'un changement si prompt, Apprenne la vengeance aussitot que l'affront. En achevant ces mots, la deesse guerriere De son pied trace en l'air un sillon de lumiere ; rend aux trois champions leur intrepidite, Et les laisse tout pleins de sa divinite. C'est ainsi, grand Conde, qu'en ce combat celebre, Ou ton bras fit trembler le Rhin, l'Escaut et l'Ebre, Lorsqu'aux plaines de Lens nos bataillons pousses Furent presque a tes yeux ouverts ou renverses, Ta valeur, arretant les troupes fugitives, Rallia d'un regard leurs cohortes craintives ; Repandit dans leurs rangs ton esprit belliqueux, Et forca la victoire a te suivre avec eux. La colere a l'instant succedant a la crainte, Ils rallument le feu de leur bougie eteinte : Ils rentrent ; l'oiseau sort : l'escadron raffermi Rit du honteux depart d'un si faible ennemi. Aussitot dans le choeur la machine emportee Est sur le banc du chantre a grand bruit remontee. Ses ais demi-pourris, que l'age a relaches, Sont a coups de maillet unis et rapproches. Sous les coups redoubles tous les bancs retentissent, Les murs en sont emus, les voutes en mugissent. Et l'orgue meme en pousse un long gemissement. Que fais-tu, chantre, helas ! dans ce triste moment ? Tu dors d'un profond somme, et ton coeur sans alarmes Ne sait pas qu'on batit l'instrument de tes larmes ! Oh ! que si quelque bruit, par un heureux reveil, T'annoncait du lutrin le funeste appareil ; Avant que de souffrir qu'on en posat la masse, Tu viendrais en apotre expirer dans ta place ; Et, martyr glorieux d'un point d'honneur nouveau Offrir ton corps aux clous et ta tete au marteau. Mais deja sur ton banc la machine enclavee Est, durant ton sommeil, a ta honte elevee. Le sacristain acheve en deux coups de rabot ; Et le pupitre enfin tourne sur son pivot. CHANT QUATRIEME Les cloches, dans les airs, de leurs voix argentines, Appelaient a grand bruit les chantres a matines ; Quand leur chef, agite d'un sommeil effrayant, Encor tout en sueur se reveille en criant. Aux elans redoubles de sa voix douloureuse, Tous ses valets tremblants quittent la plume oiseuse ; Le vigilant Girot court a lui le premier : C'est d'un maitre si saint le plus digne officier ; La porte dans le choeur a sa garde est commise : Valet souple au logis, fier huissier a l'eglise. Quel chagrin, lui dit-il, trouble votre sommeil ? Quoi ! voulez-vous au choeur prevenir le soleil ? Ah ! dormez, et laissez a des chantres vulgaires Le soin d'aller sitot meriter leurs salaires. Ami, lui dit le chantre encor pale d'horreur, N'insulte point, de grace, a ma juste terreur : Mele plutot ici tes soupirs a mes plaintes, Et tremble en ecoutant le sujet de mes craintes. Pour la seconde fois un sommeil gracieux Avait sous ses pavots appesanti mes yeux ; Quand, l'esprit enivre d'une douce fumee, J'ai cru remplir au choeur ma place accoutumee. La, triomphant aux yeux des chantres impuissant, Je benissais le peuple, et j'avalais l'encens ; Lorsque du fond cache de notre sacristie Une epaisse nuee a longs flots est sortie, Qui, s'ouvrant a mes yeux, dans un bleuatre eclat M'a fait voir un serpent conduit par le prelat. Du corps de ce dragon, plein de soufre et de nitre, Une tete sortait en forme de pupitre, Dont le triangle affreux, tout herisse de crins, Surpassait en grosseur nos plus epais lutrins. Anime par son guide, en sifflant il s'avance : Contre moi sur mon banc je le vois qui s'elance. J'ai crie, mais en vain : et, fuyant sa fureur, Je me suis reveille plein de trouble et d'horreur. Le chantre, s'arretant a cet endroit funeste, A ses yeux effrayes laisse dire le reste. Girot en vain l'assure, et, riant de sa peur, Nomme sa vision l'effet d'une vapeur : Le desole vieillard, qui hait la raillerie, Lui defend de parler, sort du lit en furie. On apporte a l'instant ses somptueux habits, Ou sur l'ouate molle eclata le tabis. D'une longue soutane il endosse la moire, Prend ses gants violets, les marques de sa gloire ; Et saisit, en pleurant, ce rochet qu'autrefois Le prelat trop jaloux lui rogna de trois doigts. Aussitot d'un bonnet ornant sa tete grise, Deja l'aumuce en main il marche vers l'eglise, Et, hatant de ses ans l'importune langueur, Court, vole, et, le premier, arrive dans le choeur. O toi qui, sur ces bords qu'une eau dormante mouille Vit combattre autrefois le rat et la grenouille ; Qui, par les traits hardis d'un bizarre pinceau, Mit l'Italie en feu pour la perte d'un seau ; Muse, prete a ma bouche une voix plus sauvage, Pour chanter le depit, la colere, la rage, Que le chantre sentit allumer dans son sang A l'aspect du pupitre eleve sur son banc. D'abord pale et muet, de colere immobile, A force de douleur, il demeura tranquille ; Mais sa voix s'echappant au travers des sanglots Dans sa bouche a la fin fit passage a ces mots : La voila donc, Girot, cette hydre epouvantable Que m'a fait voir un songe, helas ! trop veritable ! Je le vois ce dragon tout pret a m'egorger, Ce pupitre fatal qui me doit ombrager ! Prelat, que t'ai-je fait ? quelle rage envieuse Rend pour me tourmenter ton ame ingenieuse ? Quoi ! meme dans ton lit, cruel, entre deux draps, Ta profane fureur ne se repose pas ! O ciel ! quoi ! sur mon banc une honteuse masse Desormais me va faire un cachot de ma place ! Inconnu dans l'eglise, ignore dans ce lieu, Je ne pourrai donc plus etre vu que de Dieu ! Ah ! plutot qu'un moment cet affront m'obscurcisse, Renoncons a l'autel, abandonnons l'office ; Et, sans lasser le ciel par de chants superflus, Ne voyons plus un choeur ou l'on ne nous voit plus. Sortons... Mais cependant mon ennemi tranquille Jouira sur son banc de ma rage inutile, Et verra dans le choeur le pupitre exhausse Tourner sur le pivot ou sa main l'a place ! Non, s'il n'est abattu, je ne saurais plus vivre. A moi, Girot, je veux que mon bras l'en delivre. Perissons s'il le faut, mais de ses ais brises Entrainons, en mourant, les restes divises. A ces mots, d'une main par la rage affermie, Il saisissait deja la machine ennemie. Lorsqu'en ce sacre lieu, par un heureux hasard, Entre Jean le choriste, et le sonneur Girard Deux Manseaux renommes, en qui l'experience Pour les proces est jointe a la vaste science. L'un et l'autre aussitot prend part a son affront. Toutefois condamnant un mouvement trop prompt Du lutrin, disent-ils, abattons la machine : Mais ne nous chargeons pas tous seuls de sa ruine ; Et que tantot, aux yeux du chapitre assemble, Il soit sous trente mains en plein jour accable. Ces mots des mains du chantre arrachent le pupitre. J'y consens, leur dit-il ; assemblons le chapitre. Allez donc de ce pas, par de saints hurlements, Vous-memes appeler les chanoines dormants. Partez. Mais ce discours les surprend et les glace. Nous ! qu'en ce vain projet, pleins d'une folle audace, Nous allions, dit Girard, la nuit nous engager ! De notre complaisance osez-vous l'exiger ? He ! seigneur ! quand nos cris pourraient, du fond des rues, De leurs appartements percer les avenues, Reveiller ces valets autour d'eux etendus, De leurs sacres repos ministres assidus, Et penetrer des lits aux bruits inaccessibles ; Pensez-vous, au moment que les ombres paisibles A ces lits enchanteurs ont su les attacher. Que la voix d'un mortel les en puisse arracher ? Deux chantres feront-ils, dans l'ardeur de vous plaire, Ce que depuis trente ans six cloches n'ont pu faire ? Ah ! je vois bien ou tend tout ce discours trompeur, Reprend le chaud vieillard : le prelat vous fait peur. Je vous ai vus cent fois, sous sa main benissante, Courber servilement une epaule tremblante. He bien ! allez ; sous lui flechissez les genoux : Je saurai reveiller les chanoines sans vous. Viens, Girot, seul ami qui me reste fidele : Prenons du saint jeudi la bruyante crecelle. Suis-moi. Qu'a son lever le soleil aujourd'hui trouve tout le chapitre eveille devant lui. Il dit. Du fond poudreux d'une armoire sacree Par les mains de Girot la crecelle est tiree. Ils sortent a l'instant, et, par d'heureux efforts, Du lugubre instrument font crier les ressorts. Pour augmenter l'effroi, la Discorde infernale Monte dans le palais, entre dans la grand'salle, Et, du fond de cet antre, au travers de la nuit, Fait sortir le demon du tumulte et du bruit. Le quartier alarme n'a plus d'yeux qui sommeillent ; Deja de toutes parts les chanoines s'eveillent L'on croit que le tonnerre est tombe sur les toits, Et que l'eglise brule une seconde fois ; L'autre, encor agite de vapeurs plus funebres, Pense etre au jeudi saint, croit que l'on dit tenebres, Et deja tout confus, tenant midi sonne, En soi-meme fremit de n'avoir point dine. Ainsi, lorsque tout pret a briser cent murailles Louis, la foudre en main abandonnant Versailles, Au retour du soleil et des zephyrs nouveaux, Fait dans les champs de Mars deployer les drapeaux ; Au seul bruit repandu de sa marche etonnante, Le Danube s'emeut, le Tage s'epouvante, Bruxelles attend le coup qui la doit foudroyer, Et le Batave encore est pret a se noyer. Mais en vain dans leurs lits un juste effroi les presse : Aucun ne laisse encor la plume enchanteresse. Pour les en arracher Girot s'inquietant Va crier qu'au chapitre un repas les attend. Ce mot, dans tous les coeurs repand la vigilance. Tout s'ebranle, tout sort, tout marche en diligence. Ils courent au chapitre, et chacun se pressant Flatte d'un doux espoir son appetit naissant. Mais, o d'un dejeuner vaine et frivole attente ! A peine ils sont assis, que, d'une voix dolente, Le chantre desole, lamentant son malheur, Fait mourir l'appetit et naitre la douleur. Le seul chanoine Evrard, d'abstinence incapable, Ose encor proposer qu'on apporte la table. Mais il a beau presser, aucun ne lui repond : Quand le premier rompant ce silence profond, Alain tousse et se leve ; Alain, ce savant homme, Qui de Bauny vingt fois a lu toute la somme, Qui possede Abeli, qui sait tout Raconis, Et meme entend, dit-on, le latin d'A-Kempis. N'en doutez point, leur dit ce savant canoniste, Ce coup part, j'en suis sur, d'une main janseniste. Mes yeux en sont temoins : j'ai vu moi-meme hier Entrer chez le prelat le chapelain Garnier. Arnaud, cet heretique ardent a nous detruire, Par ce ministre adroit tente de le seduire : Sans doute il aura lu dans son saint Augustin Qu'autrefois saint Louis erigea ce lutrin ; Il va nous inonder des torrents de sa plume. Il faut, pour lui repondre, ouvrir plus d'un volume. Consultons sur ce point quelque auteur signale ; Voyons si des lutrins Bauny n'a point parle Etudions enfin, il en est temps encor ; Et, pour ce grand projet, tantot des que l'aurore Rallumera le jour dans l'onde enseveli, Que chacun prenne en main le moelleux Abeli. Ce conseil imprevu de nouveau les etonne : Surtout le gras Evrard d'epouvante en frissonne. Moi, dit-il, qu'a mon age, ecolier tout nouveau, J'aille pour un lutrin me troubler le cerveau ! O le plaisant conseil ! Non, non, songeons a vivre : Va maigrir, si tu veux, et secher sur un livre. Pour moi, je lis la bible autant que l'alcoran : Je sais ce qu'un fermier nous doit rendre par an ; Sur quelle vigne a Reims nous avons hypotheque : Vingt muids ranges chez moi font ma bibliotheque. En placant un pupitre on croit nous rabaisser : Mon bras seul sans latin saura le renverser. Que m'importe qu'Arnaud me condamne ou m'approuve ? J'abats ce qui me nuit partout ou je le trouve : C'est la mon sentiments. A quoi bon tant d'apprets ? Du reste dejeunons, messieurs, et buvons frais. Ce discours, que soutient l'embonpoint du visage, Retablit l'appetit, rechauffe le courage. Mais le chantre surtout en parait rassure, Oui, dit-il, le pupitre a deja trop dure. Allons sur sa ruine assurer ma vengeance : Donnons a ce grand oeuvre une heure d'abstinence, Et qu'au retour tantot un ample dejeuner Longtemps nous tienne a table, et s'unisse au diner. Aussitot il se leve, et la troupe fidele Par ces mots attirants sent redoubler son zele. Ils marchent droit au coeur d'un pas audacieux. Et bientot le lutrin se fait voir a leurs yeux. A ce terrible objet aucun d'eux ne consulte, Sur l'ennemi commun ils fondent en tumulte, Ils sapent le pivot, qui se defend en vain ; Chacun sur lui d'un coup veut honorer sa main. Enfin sous tant d'efforts la machine succombe, Et son corps entr'ouvert chancelle, eclate et tombe : Tel sur les monts glaces des farouches Gelons Tombe un chene battu des voisins aquilons ; Ou tel, abandonne de ses poutres usees, Fond enfin un vieux toit sous ses tuiles brises. La masse est emportee, et ses ais arraches Sont aux yeux des mortels chez le chantre caches. CHANT CINQUIEME L'Aurore cependant, d'un juste effroi troublee, Des chanoines leves voit la troupe assemblee, Et contemple longtemps, avec des yeux confus, Ces visages fleuris qu'elle n'a jamais vus. Chez Sidrac aussitot Brontin d'un pied fidele Du pupitre abattu va porter la nouvelle. Le vieillard de ses soins benit l'heureux succes, Et sur le bois detruit batit mille proces. L'espoir d'un doux tumulte echauffant son courage, Il ne sent plus le poids ni les glaces de l'age ; Et chez le tresorier, de ce pas, a grand bruit, Vient eclater au jour les crimes de la nuit. Au recit imprevu de l'horrible insolence, Le prelat hors du lit impetueux s'elance Vainement d'un breuvage a deux mains apporte Gilotin avant tout le veut voir humecte : Il veut partir a jeun. Il se peigne, il s'apprete ; L'ivoire trop hate deux fois rompt sur sa tete, Et deux fois de sa main le buis tombe en morceaux ; Tel Hercule filant rompait tous les fuseaux, Il sort demi-pare. Mais deja sur sa porte Il voit de saints guerriers une ardente cohorte, Qui tous, remplis pour lui d'une egale vigueur, Sont prets, pour le servir, a deserter le choeur. Mais le vieillard condamne un projet inutile. Nos destins sont, dit-il, ecrits chez la Sibylle : Son antre n'est pas loin ; allons la consulter, Et subissons la loi qu'elle nous va dicter. Il dit : a ce conseil, ou la raison domine, Sur ses pas au barreau la troupe s'achemine, Et bientot dans le temple, entend, non sans fremir, De l'antre redoute les soupiraux gemir. Entre ces vieux appuis dont l'affreuse grand'salle Soutient l'enorme poids de sa voute infernale, Est un pilier fameux, des plaideurs respecte, Et toujours de Normands a midi frequente. La, sur des tas poudreux de sacs et de pratique, Hurle tous les matins une Sibylle etique : On l'appelle Chicane ; et ce monstre odieux Jamais pour l'equite n'eut d'oreilles ni d'yeux. La Disette au teint bleme, et la triste Famine, Les Chagrins devorants, et l'infame Ruine, Enfants infortunes de ses raffinements, Troublent l'air d'alentour de longs gemissements. Sans cesse feuilletant les lois et la coutume, Pour consumer autrui, le monstre se consume ; Et, devorant maison, palais, chateaux entiers, Rend pour des monceaux d'or de vains tas de papiers. Sous le coupable effort de ta noire insolence, Themis a vu cent fois chanceler sa balance. Incessamment il va de detour en detour. Comme un hibou, souvent il se derobe au jour : Tantot, les yeux en feu, c'est un lion superbe ; Tantot, humble serpent, il se glisse sous l'herbe. En vain, pour le dompter, le plus juste des rois Fit regler le chaos des tenebreuses lois ; Ses griffes vainement par Pussort accourcies, Se rallongent deja, toujours d'encre noircies ; Et ses ruses, percant et digues et remparts, Par cent breches deja rentrent de toutes parts. Le vieillard humblement l'aborde et le salue, Et faisant, avant tout, briller l'or a sa vue : Reine des longs proces, dit-il, dont le savoir Rend la force inutile, et les lois sans pouvoir, Toi, pour qui dans le Mans le laboureur moissonne, Pour qui naissent a Caen tous les fruits de l'automne : Si, des mes premiers ans, heurtant tous les mortels, L'encre a toujours pour loi coule sur tes autels, Daigne encor me connaitre en ma saison derniere ; D'un prelat qui t'implore exauce la priere. Un rival orgueilleux, de sa gloire offense, A detruit le lutrin par nos mains redresse. Epuise en sa faveur ta science fatale : Du digeste et du code ouvre-nous le dedale; Et montre-nous cet art, connu de tes amis, Qui, dans ses propres lois, embarrasse Themis. La Sibylle, a ces mots, deja hors d'elle-meme, Fait lire sa fureur sur son visage bleme, Et, pleine du demon qui la vient oppresser, Par ces mots etonnants tache a le repousser. Chantres, ne craignez plus une audace insensee. Je vois, je vois au choeur la masse replacee : Mais il faut des combats. Tel est l'arret du sort, Et surtout evitez un dangereux accord. La bornant son discours, encor tout ecumante, Elle souffle aux guerriers l'esprit qui la tourmente ; Et dans leurs coeurs brulants de la soif de plaider Verse l'amour de nuire, et la peur de ceder. Pour tracer a loisir une longue requete, A retourner chez soi leur brigade s'apprete. Sous leurs pas diligents le chemin disparait, Et le pilier, loin d'eux, deja baisse et decroit. Loin du bruit cependant les chanoines a table Immolent trente mets a leur faim indomptable. Leur appetit fougueux, par l'objet excite, Parcourt tous les recoins d'un monstrueux pate ; Par le sel irritant la soif est allumee : Lorsque d'un pied leger la prompte Renommee, Semant partout l'effroi, vient au chantre eperdu Conter l'affreux detail de l'oracle rendu. Il se leve, enflamme de muscat et de bile, Et pretend a son tour consulter la Sibylle. Evrard a beau gemir du repas deserte, Lui-meme est au barreau par le nombre emporte. Par les detours etroits d'une barriere oblique, Ils gagnent les degres, et le perron antique Ou sans cesse, etalant bons et mechants ecrits, Barbin vend aux passants les auteurs a tout prix. La le chantre a grand bruit arrive et se fait place, Dans le fatal instant que, d'un egale audace, Le prelat et sa troupe , a pas tumultueux, Descendaient du palais l'escalier tortueux. L'un et l'autre rival, s'arretant au passage, Se mesure des yeux, s'observe, s'envisage ; Une egale fureur anime les esprits : Tels deux fougueux taureaux, de jalousie epris Aupres d'une genisse au front large et superbe Oubliant tous les jours le paturage et l'herbe, A l'aspect l'un de l'autre, embrases, furieux, Deja le front baisse, se menacent des yeux. Mais Evrard, en passant coudoye par Boirude, Ne sait point contenir son aigre inquietude ; Il entre chez Barbin, et, d'un bras irrite, Saisissant du Cyrus un volume ecarte, Il lance au sacristain le tome epouvantable. Boirude fuit le coup : le volume effroyable Lui rase le visage, et, droit dans l'estomac, Va frapper en sifflant l'infortune Sidrac. Le vieillard, accable de l'horrible Artamene, Tombe aux pieds du prelat, sans pouls et sans haleine. Sa troupe le croit mort, et chacun empresse Se croit frappe du coup dont il le voit blesse. Aussitot contre Evrard vingt champions s'elancent ; Pour soutenir leur choc les chanoine s'avancent. La Discorde triomphe, et du combat fatal Par un cri donne en l'air l'effroyable signal. Chez le libraire absent tout entre, tout se mele : Les livres sur Evrard fondent comme la grele Qui, dans un grand jardin, a coups impetueux, Abat l'honneur naissant des rameaux fructueux. Chacun s'arme au hasard du livre qu'il rencontre : L'un tient l'Edit d'amour, l'autre en saisit la Montre ; L'un prend le seul Jonas qu'on ait vu relie ; L'autre un Tasse francais, en naissant oublie. L'eleve de Barbin, commis a la boutique, veut en vain s'opposer a leur fureur gothique : Les volumes, sans choix a la tete jetes, Sur le perron poudreux volent de tous cotes : La, pres d'un Guarini, Terence tombe a terre ; La, Xenophon dans l'air heurte contre un la Serre, Oh ! que d'ecrits obscurs, de livres ignores, Furent en ce grand jour de la poudre tires ! Vous en futes tires, Almerinde et Simandre : Et toi, rebut du peuple, inconnu Caloandre, Dans ton repos, dit-on, saisi par Gaillerbois, Tu vis le jour alors pour la premiere fois. Chaque coup sur la chair laisse une meurtrissure : Deja plus d'un guerrier se plaint d'une blessure. D'un le Vayer epais Giraut est renverse : Marineau, d'un Brebeuf a l'epaule blesse, En sent par tout le bras une douleur amere, Et maudit le Pharsale aux provinces si chere. D'un Pinchene in-quarto Dodillon etourdi A longtemps le teint pale et le coeur affadi. Au plus fort du combat le chapelain Garagne, Vers le sommet du front atteint d'un Charlemagne, (Des vers de ce poeme effet prodigieux)! Tout pret a s'endormir, baille, et ferme les yeux. A plus d'un combattant la Clelie est fatale : Girou dix fois par elle eclate et se signale. Mais tout cede aux efforts du chanoine Fabri. Ce guerrier, dans l'eglise aux querelles nourri, Est robuste de corps, terrible de visage, Et de l'eau dans son vin n'a jamais su l'usage. Il terrasse lui seul et Guilbert et Grasset, Et Gorillon la basse, et Grandin le fausset, Et Gerbais l'agreable, et Guerin l'insipide. Des chantres desormais la brigade timide S'ecarte, et du palais regagne les chemins : Telle, a l'aspect d'un loup, terreur des champs voisins, Fuit d'agneaux effrayes une troupe belante ; Ou tels devant Achille, aux campagnes de Xanthe, Les Troyens se sauvaient a l'abri de leurs tours, Quand Brontin a Boirude adresse ce discours : Illustre porte-croix, par qui notre banniere N'a jamais en marchant fait un pas en arriere, Un chanoine lui seul triomphant du prelat Du rochet a nos yeux ternira-t-il l'eclat ? Non, non : pour te couvrir de sa main redoutable, Accepte de mon corps l'epaisseur favorable. Viens, et, sous ce rempart, a ce guerrier hautain Fais voler ce Quinault qui me reste a la main. A ces mots, il lui tend le doux et tendre ouvrage. Le sacristain, bouillant de zele et de courage, Le prend, se cache, approche, et, droit entre le syeux, Frappe du noble ecrit l'athlete audacieux. Mais c'est pour l'ebranler une faible tempete, Le livre sans vigueur mollit contre sa tete. Le chanoine les voit, de colere embrase : Attendez, leur dit-il, couple lache et ruse, Et jugez si ma main, aux grands exploits novice, Lance a mes ennemis un livre qui mollisse. A ces mots il saisit un vieil Infortiat, Grossi des visions d'Accurse et d'Alciat, Inutile ramas de gothique ecriture, Dont quatre ais mal unis formaient la couverture, Entoure a demi d'un vieux parchemin noir, Ou pendait a trois clous un reste de fermoir. Sur l'ais qui le soutient aupres d'un Avicenne, Deux des plus forts mortels l'ebranleraient a peine : Le chanoine pourtant l'enleve sans effort, Et, sur le couple pale et deja demi-mort, Fait tomber a deux mains l'effroyable tonnerre. Les guerriers de ce coup vont mesurer la terre, Et, du bois et des clous meurtris et dechires, Longtemps, loin du perron, roulent sur les degres. Au spectacle etonnant de leur chute imprevue, Le prelat pousse un cri qui penetre la nue. Il maudit dans son coeur le demon des combats, Et de l'horreur du coup il recule six pas. Mais bientot rappelant son antique prouesse Il tire du manteau sa dextre vengeresse ; Il part, et, de ses doigts saintement allonges, Benit tous les passants, en deux files ranges. Il sait que l'ennemi, que ce coup va surprendre, Desormais sur ses pieds ne l'oserait attendre, Et deja voit pour lui tout ce peuple en courroux Crier aux combattants : Profanes, a genoux ! Le chantre, qui de loin voit approcher l'orage, Dans son coeur eperdu cherche en vain du courage : Sa fierte l'abandonne, il tremble, il cede, il fuit. Le long des sacres murs sa brigade le suit : Tout s'ecarte a l'instant ; mais aucun n'en rechappe ; Partout le doigt vainqueur les suit et les rattrape. Evrard seul, en un coin prudemment retire, Se croyait a couvert de l'insulte sacre : Mais le prelat vers lui fait une marche adroite, Il l'observe de l'oeil ; et tirant vers la droite, Tout d'un coup tourne a gauche, et d'un bras fortune Benit subitement le guerrier consterne. Le chanoine, surpris de la foudre mortelle, Se dresse, et leve en vain une tete rebelle ; Sur ses genoux tremblants il tombe a cet aspect, Et donne a la frayeur ce qu'il doit au respect. Dans le temple aussitot le prelat plein de gloire Va gouter les doux fruits de sa sainte victoire ; Et de leur vain projet les chanoines punis S'en retournent chez eux, eperdus et benis. CHANT SIXIEME Tandis que tout conspire a la guerre sacree, La Piete sincere, aux Alpes retiree, Du fond de son desert entend les tristes cris, De ses sujets caches dans les murs de Paris. Elle quitte a l'instant sa retraite divine La Foi, d'un pas certain, devant elle chemine ; L'Esperance au front gai l'appuie et la conduit ; Et, la bourse a la main, la Charite la suit. Vers Paris elle vole, et d'une audace sainte, Vient aux pieds de Themis proferer cette plainte : Vierge, effroi des mechants, appui de mes autels, Qui, la balance en main, regle tous les mortels, Ne viendrai-je jamais en tes bras salutaires Que pousser des soupirs et pleurer mes miseres ! Ce n'est donc pas assez qu'au mepris de tes lois L'Hypocrisie ait pris et mon nom et ma voix ; Que, sous ce nom sacre, partout ses mains avares Cherchent a me ravir crosses, mitres, tiares ! Faudra-t-il voir encor cent monstres furieux Ravager mes etats usurpes a tes yeux ! Dans les temps orageux de mon naissant empire, Au sortir de bapteme on courait au martyre. Chacun, plein de mon nom, ne respirait que moi : Le fidele, attentif aux regles de sa loi, Fuyant des vanites la dangereuse amorce, Aux honneurs appele, n'y montait que par force : Ces coeurs, que les bourreaux ne faisaient point fremir, A l'offre d'une mitre etaient prets a gemir ; Et, sans peur des travaux, sur mes traces divines Couraient chercher le ciel au travers des epines. Mais, depuis que l'Eglise eut, aux yeux des mortels, De son sang en tous lieux cimente ses autels, Le calme dangereux succedant aux orages, Une lache tiedeur s'empara des courages, De leur zele brulant l'ardeur se ralentit. Sous le joug des peches leur foi s'appesantit : Le moine secoua la cilice et la haire, Le chanoine indolent apprit a ne rien faire ; Le prelat, par la brigue aux honneurs parvenu, Ne sut plus qu'abuser d'un humble revenu, Et pour toutes vertus fit, au dos d'un carrosse, A cote d'une mitre armorier sa crosse ; L'Ambition partout chassa l'Humilite ; Dans la crasse du froc logea la Vanite. Alors de tous les coeurs l'union fut detruite. Dans mes cloitres sacres la Discorde introduite Y batit de mon bien ses plus surs arsenaux ; Traine tous mes sujets au pied des tribunaux. En vain a ses fureurs j'opposai mes prieres ; L'insolente, a mes yeux, marcha sous mes bannieres. Pour comble de misere, un tas de faux docteurs Vint flatter les peches de discours imposteurs ; Infectant les esprits d'execrables maximes, Voulut faire a Dieu meme approuver tous les crimes. Une servile peur leur tint lieu de charite, Le besoin d'aimer Dieu passa pour nouveaute ; Et chacun a mes pieds, conservant sa malice, N'apporta de vertu que l'aveu de son vice. Pour eviter l'affront de ces noirs attentats, J'allai chercher le calme au sejour des frimas, Sur ces monts entoures d'une eternelle glace Ou jamais au printemps les hivers n'ont fait place. Mais, jusques dans la nuit de mes sacres deserts, Le bruit de mes malheurs fait retentir les airs. Aujourd'hui meme encore une voix trop fidele M'a d'un triste desastre apporte la nouvelle : J'apprends que, dans ce temple ou le plus saint des rois Consacra tout le fruit de ses pieux exploits, Et signala pour moi sa pompeuse largesse, L'implacable Discorde et l'infame Mollesse, Foulant aux pieds les lois, l'honneur et le devoir, Usurpent en mon nom le souverain pouvoir. Souffriras-tu, ma soeur, une action si noire ? Quoi ! ce temple, a ta porte, eleve pour ma gloire, Ou jadis des humains j'attirais tous les voeux, Sera de leurs combats le theatre honteux ! Non, non, il faut enfin que ma vengeance eclate : Assez et trop longtemps l'impunite les flatte. Prends ton glaive, et, fondant sur ces audacieux, Viens aux yeux des mortels justifier les cieux. Ainsi parle a sa soeur cette vierge enflammee : La grace est dans ses yeux d'un feu pur allumee. Themis sans differer lui promet son secours, La flatte, la rassure et lui tient ce discours : Chere et divine soeur, dont les mains secourables Ont tant de fois seche les pleurs des miserables, Pourquoi toi-meme, en proie a tes vives douleurs, Cherches-tu sans raison a grossir tes malheurs ? En vain de tes sujets l'ardeur est ralentie ; D'un ciment eternel ton Eglise est batie, Et jamais de l'enfer les noirs fremissements N'en sauraient ebranler les fermes fondements. Au milieu des combats, des troubles, des querelles, Ton nom encor cheri vit au sein des fideles. Crois-moi, dans ce lieu meme ou l'on veut t'opprimer, Le trouble qui t'etonne est facile a calmer ; Et, pour y rappeler la paix tant desiree, Je vais t'ouvrir, ma soeur, une route assuree. Prete-moi donc l'oreille, et retiens tes soupirs. Vers ce temple fameux, si chers a tes desirs Ou le ciel fut pour toi si prodigue en miracles, Non loin de ce palais ou je rends mes oracles, Est un vaste sejour des mortels revere, Et de clients soumis a toute heure entoure, La, sous le faix pompeux de ma pourpre honorable, Veille au soin de ma gloire un homme incomparable, Ariste, dont le Ciel et Louis ont fait choix Pour regler ma balance et dispenser mes lois. Par lui dans le barreau sur mon trone affermie Je vois hurler en vain la chicane ennemie ; Par lui la verite ne craint plus l'imposteur, Et l'orphelin n'est plus devore du tuteur. Mais pourquoi vainement t'en retracer l'image ? Tu le connais assez : Ariste est ton ouvrage. C'est toi qui le formas des ses plus jeunes ans : Son merite sans tache est un de tes presents. Tes divines lecons, avec le lait sucees, Allumerent l'ardeur de ses nobles pensees. Aussi son coeur, pour toi brulant d'un si beau feu, N'en fit point dans le monde un lache desaveu ; Et son zele hardi, toujours pret a paraitre, N'alla point se cacher dans le sombres d'un cloitre. Va le trouver, ma soeur a ton auguste nom, Tout s'ouvrira d'abord en sa sainte maison. Ton visage est connu de sa noble famille. Tout y garde tes lois, enfants, soeurs, femme, fille. Tes yeux d'un seul regard sauront le penetrer ; Et, pour obtenir tout, tu n'as qu'a te montrer. La s'arreta Themis. La Piete charmee Sent renaitre la joie en son ame calmee. Elle court chez Ariste ; Et s'offrant a ses yeux : Que me sert, lui dit-elle, Ariste qu'en tous lieux Tu signales pour moi ton zele et ton courage, Si la Discorde impie a ma porte m'outrage ? Dans ces murs, autrefois si saints, si renommes, A mes sacres autels font un profane insulte, Remplissent tout d'effroi, de trouble et de tumulte. De leur crime a leurs yeux va-t-en peindre l'horreur : Sauve-moi, sauve-les de leur propre fureur. Elle sort a ces mots. Le heros en priere Demeure tout couvert de feux et de lumiere. De la celeste fille il reconnait l'eclat, Et mande au meme instant le chantre et le prelat. Muse, c'est a ce coup que mon esprit timide Dans sa course elevee a besoin qu'on le guide. Pour chanter par quels soins, par quels nobles travaux Un mortel sut flechir ces superbes rivaux. Mais plutot, toi qui fis ce merveilleux ouvrage, Ariste, c'est a toi d'en instruire notre age. Seul tu peux reveler par quel art tout puissant Tu rendis tout-a-coup le chantre obeissant. Tu sais par quel conseil rassemblant le chapitre Lui-meme, de sa main, reporta le pupitre ; Et comment le prelat, de ses respects content, Le fit du banc fatal enlever a l'instant. Parle donc : c'est a toi d'eclaircir ces merveilles. Il me suffit pour moi d'avoir su, par mes veilles Jusqu'au sixieme chant pousser ma fiction, Et fait d'un vain pupitre un second Ilion. Finissons. Aussi bien, quelque ardeur qui m'inspire, Quand je songe au heros qui me reste a decrire, Qu'il faut parler de toi, mon esprit eperdu Demeure sans parole, interdit, confondu. Ariste, c'est ainsi qu'en ce senat illustre Ou Themis, par tes soins, reprend son premier lustre, Quand, la premiere fois, un athlete nouveau Vient combattre en champ clos aux joutes du barreau, Souvent sans y penser ton auguste presence Troublant par trop d'eclat sa timide eloquence, Le nouveau Ciceron, tremblant, decolore, Cherche en vain son discours sur sa langue egare : En vain, pour gagner temps, dans ses transes affreuses, Traine d'un dernier mot les syllabes honteuses ; Il hesite, il begaie ; et le triste orateur Demeure enfin muet aux yeux du spectateur. BOILEAU *** END OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK, LE LUTRIN *** This file should be named 7lutr10.txt or 7lutr10.zip Corrected EDITIONS of our eBooks get a new NUMBER, 7lutr11.txt VERSIONS based on separate sources get new LETTER, 7lutr10a.txt Project Gutenberg eBooks are often created from several printed editions, all of which are confirmed as Public Domain in the US unless a copyright notice is included. Thus, we usually do not keep eBooks in compliance with any particular paper edition. We are now trying to release all our eBooks one year in advance of the official release dates, leaving time for better editing. Please be encouraged to tell us about any error or corrections, even years after the official publication date. Please note neither this listing nor its contents are final til midnight of the last day of the month of any such announcement. The official release date of all Project Gutenberg eBooks is at Midnight, Central Time, of the last day of the stated month. 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